Le préfet Gilles Bouilhaguet avait signé le 17 septembre un arrêté autorisant l'agrandissement d'une porcherie industrielle gérée par le GAEC (groupement agricole d'exploitation en commun) de Manéguen, à Merlevenez. La production de cet élevage dirigé par l'influent président du Comité régional porcin, Fortuné Le Calvé, également élu local, devait ainsi passer à 840 truies et 5.740 porcs à l'engrais, contre 710 truies et 4.024 porcs actuellement.
L'arrêté avait suscité un tollé parmi les écologistes et les militants de la Confédération paysanne, qui avaient immédiatement dénoncé un "reniement" du "plan d'action pour le développement pérenne de l'agriculture et la reconquête de l'eau", une première en Bretagne, signé le 4 février.
Dans une région qui accueille 12 millions de porcs (58% de la production nationale) et affiche quelque 80.000 tonnes d'excédents d'azote, largement liés aux épandages de lisier (déjections animales d'élevage), chaque demande d'extension constitue un dossier sensible.
Moins de trois semaines après avoir délivré son feu vert, et contribué indirectement à raviver la guerre entre agriculteurs et écologistes, le préfet fait volte-face en plaidant la bonne foi.
Dans un communiqué transmis samedi à l'AFP, il reconnaît que sa décision favorable n'avait pas tenu compte d'une "lettre de mission" des ministres de l'Agriculture et de l'Environnement, Hervé Gaymard et Roselyne Bachelot, qui ne lui était parvenue "que postérieurement à la signature de cet arrêté".
Cette lettre prévoit "le renforcement de la cohérence de la mise en oeuvre du plan d'action", précise le préfet. "L'extension de l'exploitation du GAEC de Manéguen ne peut être considérée comme étant en conformité avec ces objectifs environnementaux", estime-t-il aujourd'hui. L'éleveur, lui, se dit "stupéfait" du revirement du préfet. "Je pense que jamais aucun projet n'avait été aussi bien ficelé que celui-là. Je prévoyais un plan d'épandage à 72 unités d'azote par hectare, alors que la réglementation est à 170, je m'étais engagé à traiter le phosphore, et même l'air", soupire Fortuné Le Calvé, qui n'exclut pas un recours en justice dans les semaines à venir. L'agriculteur, maire de Merlevenez et président de la communauté de communes de Blavet-Bellevue-Océan, souligne qu'il avait prévu de traiter son lisier sur place, et "sans subvention", à l'heure où "aucun projet collectif n'est accepté". Le 25 septembre dernier, le préfet du Finistère avait en effet porté un coup d'arrêt définitif au projet d'usine Seveso Val'Ouest de Milizac, près de Brest. Les détracteurs de l'agriculture intensive se félicitent de cette nouvelle victoire. "Nous prenons acte de ce virage à 180 degrés" du préfet, déclare le délégué général d'Eau et Rivières de Bretagne, Gilles Huet. L'association, qui avait annoncé après l'autorisation d'extension son départ des "groupes de travail" mis en place dans le cadre du "plan d'action", a d'ailleurs indiqué qu'elle réintégrerait ces instances. "Nous avons gagné une étape. Mais nous devons aujourd'hui aller beaucoup plus loin dans la réorientation du modèle breton, et continuer à être vigilants et mobilisés", fait valoir de son côté René Louail, membre du comité national de la Confédération paysanne. |